jeudi 23 février 2012

L'analyse de l'alliance GM - PSA par Jean-Marc Sylvestre, ou Candide au pays de l'auto


 
Quand Jean-Marc Sylvestre nous livre sur son blog son analyse de l’alliance PSA-General Motors à venir, on se précipite. On a hâte d’être éclaboussé par toute l’étendue de l’expertise économique du journaliste d’I-Télé. Enfin, allons nous savoir à quelle sauce Peugeot et Citroën vont être avalés. Les écueils possibles, la future répartition des rôles de chaque marque du nouveau mastodonte, la ligne stratégique à suivre, rien ne sous sera plus étranger. Pas de suspens : JMS se réjouit du futur pacte, car pour lui, la nouvelle alliance permettra à PSA de se lancer dans le haut de gamme, mais aussi dans le low cost et d’être enfin un constructeur mondial. Et ?

Le haut de gamme ? Trop facile
Et c’est tout. Les obstacles à ce positionnement que nous évoquions ici, n’en sont pas. Le haut de gamme, pour lui, semble la solution à la désindustrialisation française. Et Jean-Marc de nous expliquer que « ces véhicules sont vendus chers sur le marché mondial. Et c’est parce qu’ils sont chers qu’ils financent des innovations technologiques qui peuvent profiter à toute la gamme. Les modèles de haut de gamme sont en général construits dans le pays d’origine. » Fastoche. PSA n’a donc plus qu’à se lancer. Sauf que le journaliste semble négliger un détail que connaissent pourtant tous les capitaines d’industrie qui sont ses habituels interlocuteurs. On ne décrète pas unilatéralement la transformation d’une marque généraliste en fleuron premium. Audi, marque allemande rachetée par le groupe VW en 1964 en sait quelque chose : il lui a fallu 30 ans pour acquérir le statut qu’on lui connaît aujourd’hui, avec les très sympathiques marges bénéficiaires dégagées par chaque modèle vendu.

Le low-cost ? Pour pays émergeant seulement
Le low cost pour maître Sylvestre est un autre Graal. Il permet de « répondre à la demande des pays émergents. » On note donc que le journaliste sort peu de son bureau d’I-télé et n’a pas remarqué la multiplication des Dacia dans nos rues. Le fait que le Duster, l’un des modèles du roumain, figure dans le classement des 10 voitures les plus vendues en France ne semble pas non plus l’effleurer. Sauf à considérer que l’Hexagone soit devenu un pays émergeant.

La mondialisation ? Que du bon
Enfin JMS tient à nous faire part de sa joie à l’idée de la mondialisation offerte à PSA par l’accord à venir, ce qui lui permettra d’être présent sur tous les marchés, « au niveau commercial comme au niveau industriel, sachant que les centres de recherche, de design et de décision restent dans le pays d’origine. » Une analyse qui laisse pantois. Les stratégies développées par Toyota et d’autres constructeurs qui tirent leur épingle du jeu est toute autre. La recherche et le design sont de plus en plus souvent réalisés sur les continents mêmes ou les véhicules sont vendus, manière d’être en phase avec les marchés locaux. Quant à la fabrication proprement dite, on ne saurait penser que notre confrère ignore le fonctionnement d’un groupe comme celui que constituera la future alliance, avec les économies d’échelle qu’il implique. Les syndicats de PSA s’inquiètent d'ailleurs à juste titre des synergies à venir, notamment avec l’Allemand Opel, filiale de GM. Car l’alliance pourrait bien entériner une solution industrielle mise en place par tous les grands groupes automobiles : la mutualisation des plateformes. En gros, toute la partie mécanique pourrait être strictement identique sur la future Opel Corsa et la remplaçante de la Peugeot 208. Les économies ainsi réalisées se feraient donc forcément au détriment des unités de production et des salariés qui y travaillent. Évidemment, Jean-Marc Sylvestre ne saurait ignorer ces données. On passera donc ce petit article, cet édito comme il aime à l’intituler, sur le compte d’une très légère déprime de février. Les fins d’hiver sont pour nous autres occidentaux mondialisés une période redoutable.

mercredi 22 février 2012

Mariage PSA-General Motors : pourquoi la mariée pourrait être en noir

La Quadrilette Peugot a sauvé la marque en 1920. Aujourd'hui, c'est peut-être au tour de l'américain General Motors de venir à la rescousse du constructeur. © Automobiles Peugeot
 
Ce n’est pas la première tentative de rapprochement entre PSA et un tiers constructeur. Mais c’est peut-être la bonne. Du moins si l’on en croit La Tribune et le Financial Times. Selon les deux sites, Peugeot et Citroën devraient rejoindre rapidement le groupe américain General Motors. Plus qu’une rumeur, c’est une information qui fait flamber le titre PSA en bourse et qui a été, en partie, confirmée par le groupe français cette nuit. Il a avoué « que des discussions sont en cours », sans citer le nom de GM. Un rapprochement que ne dément pas non plus Xavier Bertrand. Interrogé sur Europe 1, le ministre du travail affirme être en contact avec les dirigeants de PSA qui ont évoqué devant lui des discussions en cours. Pour autant, ce rapprochement franco-américain prendra-t-il un rachat pur et simple de la firme de Sochaux par celle de Detroit ? Plus pudiquement, les différentes sources interrogées évoquent plutôt une alliance, qui en passerait par des échanges d’actions à la mode depuis que Renault et Nissan ont inauguré ce principe. Sauf que, comme dans toute alliance de raison, le plus fort avant le pacte reste le plus puissant après sa signature. Et dans le cas des deux constructeurs, ils ne jouent pas vraiment dans la même catégorie. General Motors a produit 6,79 millions de voitures l’an passé et détient la première place mondiale, alors que PSA c’est contenté d’assembler 3,5 millions d'autos. Une différence de taille entre le puissant Américain et le petit Français qui ne laisse guère de doute sur le véritable capitaine du futur super tanker. Ce qui pose quelques questions sur l’avenir de Peugeot et Citroën.
Opel est à l’auto ce que la Grèce est à l’euro
C’est que les deux marques françaises vont devoir se positionner sur le marché européen - ou elles écoulent pour le moment plus de la moitié de leur production - par rapport aux autres entités du nouveau groupe ou elles vont entrer.  Car General Motors est déjà largement présent sur le vieux continent. Et ce depuis 1929, avec l’allemand Opel. Un constructeur fort mal en point depuis une bonne décennie. Dix ans au cours duquel cette marque n’a pas gagné le moindre centime. Opel est un peu à l’auto ce que la Grèce est à l’euro : un puits sans fond dans lequel la maison mère injecte régulièrement des liquidités. D’ailleurs, à propos du résultat 2011 de son antenne germanique, un dirigeant de GM a lâché, devant quelques journalistes, le terme d’ « horrendous », ce que l’on peut traduire par « effroyable » ou « épouvantable ». Au point ou  les Américains envisageraient de fermer purement et simplement l’une des principales unités de productions d’Opel, celle de Bochum, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui emploie 3100 personnes. Or, la vieille marque germanique est exactement sur le même créneau que Peugeot et Citroën : celui des autos moyennes, au prix moyen et à la qualité moyenne. Des citadines, des petits monospaces et des familiales moins chères que les autres allemandes. Cette rivalité frontale risque de poser problème dans la nouvelle répartition des rôles que les chairmen de Detroit pourraient imposer. Les pertes enregistrées par la division automobile de PSA en 2011 et l'hostilité que les américains nourrissent à l’intention de l’usine de Bochum ont de quoi donner des sueurs froides aux salariés d’Aulnay, malgré les promesses de leur direction actuelle. Des promesses faites avant les discussions avec GM.
Chevrolet, le discounter américano-coréen
Et puis, une autre marque de GM est également présente en Europe, positionnée plus bas de gamme qu’Opel, c’est Chevrolet. Et ce ne sont pas les bonnes vieilles Chevy américaines qui sont diffusées sur le vieux continent. Mais les autos du coréen Daewoo, constructeur en faillite racheté par GM en 2005 et rebadgées depuis à la sauce Michigan. Elles sont vendues à des tarifs qui leur valent ces temps-ci un certain succès chez nous. Notamment les modèles Aveo ou Cruze. Ce simili low cost risque lui aussi de poser un problème à PSA qui misait, dans un avenir proche, sur le discount façon Dacia pour tenter de reprendre du poil de la bête. Un programme et une stratégie qui pourraient, eux aussi être mis entre parenthèse.
Cap sur le haut de gamme ?
Des difficultés pour se faire une place dans le marché ultra concurrencé du moyen de gamme et des bâtons dans les roues du low cost : voilà qui réduit la place de PSA dans cette nouvelle alliance. Reste le haut de gamme, qui pourrait, à terme, devenir le nouveau Graal de Peugeot-Citroën. A condition que GM accepte ce deal, sachant que l’américain dispose déjà, avec Cadillac, d’une marque sur ce créneau. Par chance pour le constructeur français, le haut de gamme US ne correspond pas vraiment aux normes de qualité que les européens attendent d’une auto de luxe, ce qui explique en partie le flop relatif que Cadillac connaît sur le vieux continent. Les premières tentatives de Citroën dans le premium sont pour l’instant couronnées de succès, même si on peut nourrir quelques doutes sur les réussites de la Ds5. Mais quelques soient les heurts ou les bonheurs que cette dernière rencontrera, il est extrêmement difficile et long de faire basculer l'ensemble d'une marque généraliste dans le haut de gamme. Un temps durant lequel l’épée de Damoclès sociale restera suspendue au dessus de la tête des quelques 100 000 salariés du constructeur. S’ils ne connaîtront pas tout de suite leur sort futur, ils devraient au moins savoir, dès le 5 mars prochain, jour de l’ouverture du salon de l’auto de Genève, si la nouvelle alliance est définitivement scellée. Car selon toutes vraisemblance, c’est à ce moment là que les deux firmes officialiseront leurs fiançailles.