jeudi 23 février 2012

L'analyse de l'alliance GM - PSA par Jean-Marc Sylvestre, ou Candide au pays de l'auto


 
Quand Jean-Marc Sylvestre nous livre sur son blog son analyse de l’alliance PSA-General Motors à venir, on se précipite. On a hâte d’être éclaboussé par toute l’étendue de l’expertise économique du journaliste d’I-Télé. Enfin, allons nous savoir à quelle sauce Peugeot et Citroën vont être avalés. Les écueils possibles, la future répartition des rôles de chaque marque du nouveau mastodonte, la ligne stratégique à suivre, rien ne sous sera plus étranger. Pas de suspens : JMS se réjouit du futur pacte, car pour lui, la nouvelle alliance permettra à PSA de se lancer dans le haut de gamme, mais aussi dans le low cost et d’être enfin un constructeur mondial. Et ?

Le haut de gamme ? Trop facile
Et c’est tout. Les obstacles à ce positionnement que nous évoquions ici, n’en sont pas. Le haut de gamme, pour lui, semble la solution à la désindustrialisation française. Et Jean-Marc de nous expliquer que « ces véhicules sont vendus chers sur le marché mondial. Et c’est parce qu’ils sont chers qu’ils financent des innovations technologiques qui peuvent profiter à toute la gamme. Les modèles de haut de gamme sont en général construits dans le pays d’origine. » Fastoche. PSA n’a donc plus qu’à se lancer. Sauf que le journaliste semble négliger un détail que connaissent pourtant tous les capitaines d’industrie qui sont ses habituels interlocuteurs. On ne décrète pas unilatéralement la transformation d’une marque généraliste en fleuron premium. Audi, marque allemande rachetée par le groupe VW en 1964 en sait quelque chose : il lui a fallu 30 ans pour acquérir le statut qu’on lui connaît aujourd’hui, avec les très sympathiques marges bénéficiaires dégagées par chaque modèle vendu.

Le low-cost ? Pour pays émergeant seulement
Le low cost pour maître Sylvestre est un autre Graal. Il permet de « répondre à la demande des pays émergents. » On note donc que le journaliste sort peu de son bureau d’I-télé et n’a pas remarqué la multiplication des Dacia dans nos rues. Le fait que le Duster, l’un des modèles du roumain, figure dans le classement des 10 voitures les plus vendues en France ne semble pas non plus l’effleurer. Sauf à considérer que l’Hexagone soit devenu un pays émergeant.

La mondialisation ? Que du bon
Enfin JMS tient à nous faire part de sa joie à l’idée de la mondialisation offerte à PSA par l’accord à venir, ce qui lui permettra d’être présent sur tous les marchés, « au niveau commercial comme au niveau industriel, sachant que les centres de recherche, de design et de décision restent dans le pays d’origine. » Une analyse qui laisse pantois. Les stratégies développées par Toyota et d’autres constructeurs qui tirent leur épingle du jeu est toute autre. La recherche et le design sont de plus en plus souvent réalisés sur les continents mêmes ou les véhicules sont vendus, manière d’être en phase avec les marchés locaux. Quant à la fabrication proprement dite, on ne saurait penser que notre confrère ignore le fonctionnement d’un groupe comme celui que constituera la future alliance, avec les économies d’échelle qu’il implique. Les syndicats de PSA s’inquiètent d'ailleurs à juste titre des synergies à venir, notamment avec l’Allemand Opel, filiale de GM. Car l’alliance pourrait bien entériner une solution industrielle mise en place par tous les grands groupes automobiles : la mutualisation des plateformes. En gros, toute la partie mécanique pourrait être strictement identique sur la future Opel Corsa et la remplaçante de la Peugeot 208. Les économies ainsi réalisées se feraient donc forcément au détriment des unités de production et des salariés qui y travaillent. Évidemment, Jean-Marc Sylvestre ne saurait ignorer ces données. On passera donc ce petit article, cet édito comme il aime à l’intituler, sur le compte d’une très légère déprime de février. Les fins d’hiver sont pour nous autres occidentaux mondialisés une période redoutable.

mercredi 22 février 2012

Mariage PSA-General Motors : pourquoi la mariée pourrait être en noir

La Quadrilette Peugot a sauvé la marque en 1920. Aujourd'hui, c'est peut-être au tour de l'américain General Motors de venir à la rescousse du constructeur. © Automobiles Peugeot
 
Ce n’est pas la première tentative de rapprochement entre PSA et un tiers constructeur. Mais c’est peut-être la bonne. Du moins si l’on en croit La Tribune et le Financial Times. Selon les deux sites, Peugeot et Citroën devraient rejoindre rapidement le groupe américain General Motors. Plus qu’une rumeur, c’est une information qui fait flamber le titre PSA en bourse et qui a été, en partie, confirmée par le groupe français cette nuit. Il a avoué « que des discussions sont en cours », sans citer le nom de GM. Un rapprochement que ne dément pas non plus Xavier Bertrand. Interrogé sur Europe 1, le ministre du travail affirme être en contact avec les dirigeants de PSA qui ont évoqué devant lui des discussions en cours. Pour autant, ce rapprochement franco-américain prendra-t-il un rachat pur et simple de la firme de Sochaux par celle de Detroit ? Plus pudiquement, les différentes sources interrogées évoquent plutôt une alliance, qui en passerait par des échanges d’actions à la mode depuis que Renault et Nissan ont inauguré ce principe. Sauf que, comme dans toute alliance de raison, le plus fort avant le pacte reste le plus puissant après sa signature. Et dans le cas des deux constructeurs, ils ne jouent pas vraiment dans la même catégorie. General Motors a produit 6,79 millions de voitures l’an passé et détient la première place mondiale, alors que PSA c’est contenté d’assembler 3,5 millions d'autos. Une différence de taille entre le puissant Américain et le petit Français qui ne laisse guère de doute sur le véritable capitaine du futur super tanker. Ce qui pose quelques questions sur l’avenir de Peugeot et Citroën.
Opel est à l’auto ce que la Grèce est à l’euro
C’est que les deux marques françaises vont devoir se positionner sur le marché européen - ou elles écoulent pour le moment plus de la moitié de leur production - par rapport aux autres entités du nouveau groupe ou elles vont entrer.  Car General Motors est déjà largement présent sur le vieux continent. Et ce depuis 1929, avec l’allemand Opel. Un constructeur fort mal en point depuis une bonne décennie. Dix ans au cours duquel cette marque n’a pas gagné le moindre centime. Opel est un peu à l’auto ce que la Grèce est à l’euro : un puits sans fond dans lequel la maison mère injecte régulièrement des liquidités. D’ailleurs, à propos du résultat 2011 de son antenne germanique, un dirigeant de GM a lâché, devant quelques journalistes, le terme d’ « horrendous », ce que l’on peut traduire par « effroyable » ou « épouvantable ». Au point ou  les Américains envisageraient de fermer purement et simplement l’une des principales unités de productions d’Opel, celle de Bochum, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui emploie 3100 personnes. Or, la vieille marque germanique est exactement sur le même créneau que Peugeot et Citroën : celui des autos moyennes, au prix moyen et à la qualité moyenne. Des citadines, des petits monospaces et des familiales moins chères que les autres allemandes. Cette rivalité frontale risque de poser problème dans la nouvelle répartition des rôles que les chairmen de Detroit pourraient imposer. Les pertes enregistrées par la division automobile de PSA en 2011 et l'hostilité que les américains nourrissent à l’intention de l’usine de Bochum ont de quoi donner des sueurs froides aux salariés d’Aulnay, malgré les promesses de leur direction actuelle. Des promesses faites avant les discussions avec GM.
Chevrolet, le discounter américano-coréen
Et puis, une autre marque de GM est également présente en Europe, positionnée plus bas de gamme qu’Opel, c’est Chevrolet. Et ce ne sont pas les bonnes vieilles Chevy américaines qui sont diffusées sur le vieux continent. Mais les autos du coréen Daewoo, constructeur en faillite racheté par GM en 2005 et rebadgées depuis à la sauce Michigan. Elles sont vendues à des tarifs qui leur valent ces temps-ci un certain succès chez nous. Notamment les modèles Aveo ou Cruze. Ce simili low cost risque lui aussi de poser un problème à PSA qui misait, dans un avenir proche, sur le discount façon Dacia pour tenter de reprendre du poil de la bête. Un programme et une stratégie qui pourraient, eux aussi être mis entre parenthèse.
Cap sur le haut de gamme ?
Des difficultés pour se faire une place dans le marché ultra concurrencé du moyen de gamme et des bâtons dans les roues du low cost : voilà qui réduit la place de PSA dans cette nouvelle alliance. Reste le haut de gamme, qui pourrait, à terme, devenir le nouveau Graal de Peugeot-Citroën. A condition que GM accepte ce deal, sachant que l’américain dispose déjà, avec Cadillac, d’une marque sur ce créneau. Par chance pour le constructeur français, le haut de gamme US ne correspond pas vraiment aux normes de qualité que les européens attendent d’une auto de luxe, ce qui explique en partie le flop relatif que Cadillac connaît sur le vieux continent. Les premières tentatives de Citroën dans le premium sont pour l’instant couronnées de succès, même si on peut nourrir quelques doutes sur les réussites de la Ds5. Mais quelques soient les heurts ou les bonheurs que cette dernière rencontrera, il est extrêmement difficile et long de faire basculer l'ensemble d'une marque généraliste dans le haut de gamme. Un temps durant lequel l’épée de Damoclès sociale restera suspendue au dessus de la tête des quelques 100 000 salariés du constructeur. S’ils ne connaîtront pas tout de suite leur sort futur, ils devraient au moins savoir, dès le 5 mars prochain, jour de l’ouverture du salon de l’auto de Genève, si la nouvelle alliance est définitivement scellée. Car selon toutes vraisemblance, c’est à ce moment là que les deux firmes officialiseront leurs fiançailles.

mercredi 15 février 2012

Le Front de Gauche veut une taxe de luxe pour les voitures de luxe


Renault Laguna Coupé. Voiture de luxe ? © Renault Communication

La mesure ne figure pas au programme de Jean-Luc Mélenchon. Mais elle ne risque pas de heurter le candidat du Front de Gauche, puisque la quasi totalité des députés qui le soutiennent ont déposé un amendement à l’Assemblée visant à instituer une TVA à 33,3% pour les voitures haut de gamme. Une taxe de luxe pour les voitures de luxe ? Rien de plus logique, à priori. Mais comme il faut bien définir la notion plutôt floue de faste et d’opulence automobilistique, les 17 députés du groupe Gauche Démocrate Républicaine regroupant les élus communistes et ceux du Parti de Gauche, ont mis la barre à 180 CV. Au delà de cette puissance, une auto serait donc considérée comme luxueuse. Vraie bonne mesure ou fausse bonne idée ? Le problème de cette barrière de puissance est double. Non seulement elle risque de freiner un peu plus encore la production de voitures en France mais, de plus, elle ne touchera pas tous les modèles du triumvirat Audi-Mercedes-BMW, pour ne citer que les luxueuses les plus connues et les plus vendues.
Premières voitures concernées : les françaises fabriquées en France
Évidemment, la puissance moyenne des autos vendues en France se situe aux alentours de 110 – 120 CV, et la plupart des citadines et compactes ne dépassent pas ce seuil. Mais ces Renault Mégane, Peugeot 308 ou Citroën C4 ne sont pas toutes fabriquées en France. Loin de là. En revanche, les Laguna, Espace, C6 et DS5, sont produites dans l’hexagone. Et que découvre t-on sous leur capot ? Un moteur hybride de 200 CV sous celui de la Citroën DS5. Dans les entrailles du coupé Renault Laguna, se niche un bloc de 235 CV. Évidemment, ces deux modèles ne sont pas les voitures les plus vendues en France. Mais ce sont elles qui permettent à leurs constructeurs d’engranger le plus de marges. Ce qui explique que leur assemblage n’est pas délocalisé. Appliquer une hausse de la taxe sur ces autos ne ferait donc que donner des arguments aux dirigeants de PSA et Renault dans leur volonté de production off shore et de fermetures d’usines françaises. La délocalisation étant d’ores et déjà un sport de combat que Carlos Gohsn pratique avec une maestria peu commune, comme il l’a prouvé il y a quelques jours à Tanger. Du coup, lui livrer clés en main les éléments de langage pour continuer dans cette voie n’est pas forcément la meilleure solution.
Des autos allemandes pas franchement touchées
L’autre problème soulevé par cette taxe de luxe concerne les trois grandes marques allemandes qui dominent ce marché dit premium. La puissance des Audi A4, les modèles les plus vendus de la marque se situe majoritairement sous la barre fatidique des 180 CV, alors que leur tarif se situe bien au-delà des 30 000 euros. Même constat chez Mercedes et BMW, ou plusieurs autos sont en-deçà de la super taxe.
Un amendement purement symbolique
Freins à la production française, effet peu sensible sur la suprématie allemande dans le domaine du haut de gamme : autant dire que l’amendement du Front de Gauche n’a pour toute consistance que celle que les 17 députés ont peut-être souhaité lui donner : un effet de manche politique et symbolique. D’ailleurs ils étaient bien isolés dans l’hémicycle pour réclamer le retour d’une taxe de luxe abolie il y a près de vingt ans. La TVA 180 CV ne devrait donc pas figurer au programme de la loi de finances rectificative votée ces temps-ci et dans laquelle figure la fameuse TVA sociale. Leurs collègues de l’UMP ne les ont pas suivis, pas plus que ceux du PS, trop effrayés par les retombées sociales d’une telle opération. Ces derniers ont même déposé un autre amendement, demandant que la TVA sur les ventes de voitures aux particuliers reste à 19,6%, au lieu des 21,2% prévus. Peut-être se sont ils souvenus que les ventes sont en chute libre depuis le début de l'année et que la filière emploie toujours environ 700 000 personnes. Même si on ne sait pas pour combien de temps encore.  

mercredi 8 février 2012

Pneus neige obligatoires ? Une privatisation déguisée de l'entretien des routes hivernales


Le pneu hiver est obligatoire en Allemagne depuis 2006 © Goodyear
L’exercice est plutôt compliqué ces temps-ci. Les intempéries rendent la conduite difficile et comme à chaque « épisode neigeux », selon la novlangue usuelle, la réactivité des pouvoirs publics est observée de près. Les chasse-neige et saleuses sont plus ou moins vite lâchés sur les routes, ce qui provoque, selon le cas, le respect ou l’ire des usagers. Mais ces opérations de déneigement coûtent cher aux collectivités territoriales qui en ont la charge. Et elles seraient bien tentées, en ces temps de comparaison franco-germanique, de suivre l’exemple du voisin d’outre-Rhin.
Pneus hiver obligatoires
C’est qu’en Allemagne, pays oh combien exposé aux frimas, une loi mise en application en 2006 et renforcée en 2010, oblige tous les conducteurs à s’équiper de pneus neige pour affronter l’hiver. En cas de manquement, il en coûte jusqu’à 80 euros. Et si d’aventure une auto non équipée provoque un accident, l’assurance de cette dernière ne couvre pas les dégâts. Pour les länder allemands, cette loi est triplement intéressante. Elle leur permet primo d’afficher de très honnêtes résultats en matière de sécurité routière, les pneus hiver étant réellement efficaces sur la neige. Secundo, elle leur offre de substantielles économies en frais de déneigement puisqu’ils ont restreint l’usage du sel. Ce qui leur permet, tertio, de se conformer aux desiderata des influents Grünen, le parti vert allemand qui, depuis des années, réclamait une diminution de l’épandage de ce produit toxique pour les nappes phréatiques.
700 euros de plus sur le budget des automobilistes
Trois bénéfices on ne peut plus vertueux qui cachent néanmoins une forme de privatisation de l’entretien hivernal. Car ces économies réalisées par les collectivités se font au détriment des usagers qui voient leur budget automobile grimper. Quatre pneus neige coûtent en moyenne 700 euros et leur structure particulière leur procure une durée de vie inférieure à des gommes classiques. La faute à un caoutchouc plus tendre que celui utilisé sur les pneus qui équipent habituellement nos autos. C’est que ces pneus hiver, outre leurs sculptures à crampons    à la manière de ceux qui équipent les 4x4 –  ont la particularité d’être composé d’une matière qui ne durcit pas en deçà de 7°, ce qui est le cas de toutes les montes classiques. CQFD : un caoutchouc tendre accroche mieux la route qu’un pneu dur comme du bois. Mais il s’abime deux fois plus vite.
Le pneu hiver : graal des collectivités et des manufacturiers
Un pneu qui coûte cher et qui s’use rapidement ? Que du bonheur pour les manufacturiers pour qui la loi allemande, qu’ils ont largement soutenue, est pain béni. Michelin, Continental, Goodyear et tous les autres sont d’ailleurs réunis au sein de l’'E.T.R.T.O. (European Tyre and Rim Technical Organisation), une organisation professionnelle qui milite et lobbyise à qui mieux-mieux pour que ce type de législation s’applique dans tous les pays européens exposés aux intempéries. La France est d’ailleurs dans son viseur, notamment depuis le fameux hiver 2010 où des milliers d’automobilistes franciliens ont passé la nuit dans leur voiture. A l’époque, ils avaient d’ailleurs l’oreille du ministre de l’Intérieur d’alors, Brice Hortefeux. Il s’était exprimé sur le sujet, après la pagaille enneigée, en regardant de l’autre côté du Rhin. «L'Allemagne vient de voter une loi rendant obligatoire l'équipement des voitures en pneus neige pendant toute une période de l'année. Nous n'en sommes pas là en France, mais nous serons attentifs à toutes les bonnes solutions » expliquait l’ex. On peut parier que son successeur sera attentif lui aussi, si d’aventure ce type de pagaille venait à se reproduire.

mercredi 1 février 2012

Quand l'auto se prend pour Nespresso

La Peugeot 208 sera moins chère que la 207 qui la précède © Automobiles Peugeot


La TVA sociale, si elle est appliquée un jour, n’y devrait rien changer. Il est inutile de se précipiter chez son garagiste avant le mois d’octobre pour s’offrir une nouvelle auto, car son prix ne devrait pas grimper. Il pourrait même diminuer encore. Phénomène étrange : à l’époque où tout augmente, le tarif des voitures baisse depuis six ans. Du moins augmente-t-il moins vite que les prix à la consommation. Si ces derniers ont grimpé de 9,8%, ceux de nos autos n’ont subi qu’une hausse de 8%, alors qu’elles sont plus grandes, mieux équipées et plus sécurisées qu’avant. Et encore, s’agit-il du prix affiché. Or plus personne n’achète sa monture au tarif « catalogue ». Pas un modèle n’est vendu sans promo, ristourne ou rabais exceptionnellement permanent. L’année 2011 a systématisé ce type d’offres et les réseaux Citroën ont vendu certains modèles de C3 flambant neuves avec des réductions de -32%. Mieux, chez Renault, la Clio s’est bradée à -46%. Difficile après ce type d’opérations de revenir en arrière. D'autant que les chiffres de ventes de ce mois de janvier sont tombés et affichent un cataclysmique -20,7%. Une situation que Peugeot a parfaitement anticipée. Sa nouvelle 208, qui va débouler dans les concessions dans deux petits mois sera venu à un prix annoncé (et hors promo) moins chère que le modèle qu’elle remplace, la 207. Une première.
Des appareils pas chers et des consommables hors de prix 
Va-t-on devoir faire la manche pour renflouer des constructeurs mécènes qui vendent à perte leurs modèles pour soutenir la consommation? Inutile. Car en croisant deux simples chiffres, on s’aperçoit que les marques françaises comme étrangères s’adonnent au culte de Nespresso ou des vendeurs de phocopieurs et sont en train de modifier leur modèle économique en conséquence. Chez Nestlé, ou HP, on a trouvé un truc simple et efficace. Les appareils sont vendus peu chers, mais les consommables (capsules et cartouches d’encre) sont hors de prix. L’acheteur est ravi de faire une bonne opération au moment de s’offrir sa cafetière ou son copieur. Mais il déchante en commandant son café et ses cartouches d’encre.

Ailes de voitures et capsules Nespresso, même combat 
Dans le secteur automobile, c’est pareil. Entre 2005 et 2011, au moment même ou le prix des voitures neuves a baissé, ou stagné, le prix des pièces détachées a explosé de 30,5%, selon l’association SRA (Sécurité et réparation automobile), un observatoire qui regroupe les compagnies d’assurances. Une hausse trois fois supérieure que les prix à la consommation constatés à la même période. On le voit, les constructeurs ont transféré leurs marges perdues sur les ventes de voitures, sur celles des pièces détachées. Du coup, on comprend beaucoup mieux le lobbying forcené qu’ils tentent, avec bonheur, pour éviter l’arrivée de pièces fabriquées et vendues par d’autres fournisseurs qu’eux-même et leurs sous-traitants. De la même manière, ils résistent à l’application stricto sensu d’une directive européenne de 2002, permettant à n’importe quel garagiste indépendant de réparer n’importe quelle auto de n’importe quelle marque. Cette réticence à se conformer aux lois permet de contrôler parfaitement le marché de la réparation puisque, toujours selon le SRA, 50% des autos de moins de deux ans, sont entretenues dans le réseau du constructeur d’où elles proviennent. Pour éviter que les indépendants s’en mêlent, les marques usent de stratagèmes simples comme la rétention d’informations techniques, ou la difficulté d’accès aux logiciels spécialisés, conçus pour un type de modèle particulier.

L’Autorité de la concurrence sur les dents 
Devant cette entourloupe, l’Autorité de la concurrence s’en mêle. Elle suspecte une « insuffisance de la concurrence » et devrait rendre son verdict début mars. Evidemment, les juristes de Renault ou PSA sont sur l’affaire et nul doute que la parade est d’ores et déjà dans leur attaché-case. Et même s’ils ne trouvent pas la faille judiciaire dans le texte de l’Autorité, on peut parier que le nouveau modèle économique de l’automobile ne sera pas menacé. Car la baisse des ventes attendues en France en 2012, et les menaces sur l’emploi de la filière fourniront suffisamment d’arguments au secteur pour qu’il conserve son monopole sur l’entretien de ses autos. Et puisse clamer, au mois d’octobre que la hausse de 1,6% de la TVA ne passera pas par lui. Du moins pas par ses voitures.

mardi 24 janvier 2012

Ford Focus, "the artist" version automobile ?

Ford Focus : l'européano-américaine © Ford Eu


Elle se la joue modeste cette Ford Focus. Une voiture de taille moyenne au prix moyen et dont les lignes ne font se dévisser le cou d’aucun passant. Pourtant, elle est devenue en quelques mois The artist de l’automobile. Comme le film et son comédien Jean Dujardin, cette Focus s’est retrouvée en lice pour les Oscars et le festival de Cannes de l’automobile : the car of the year américain et la voiture de l’année européenne.
Certes, la sentence est tombée aux US où la compacte a finalement décroché la médaille d’argent, mais elle est dans la dernière sélection du trophée européen, qui sera décerné dans un peu plus d’un mois. Cette double nomination pour une auto mondiale, mais conçue en Europe, est un signe du revirement du marché américain. Et peut-être, une nouvelle manière d’aborder l’automobile pour les journalistes spécialisés européens, puisque ce sont eux qui forment le jury de ce concours.
La fin du rêve américain ? 
Vu d’ici, on a quelque mal à imaginer qu’une « petite » auto puisse décrocher un prix quelconque au pays du V8 et des pick-up de pionniers. Dans une contrée où une auto de moins de 5 mètres est une citadine. Mais l’Amérique a changé. Car l’essence a augmenté. Le litre y est toujours inférieur à 1 euro, mais il a presque doublé en l’espace de cinq ans. Une évolution que les constructeurs locaux ont loupée et qui a failli avoir la peau des big three (Ford, General Motors et Chrysler), lors de la première lame de crise, en 2008. Même si ce n’était pas la seule cause de leur déconfiture, elle y a largement contribué et fait le bonheur des marques européennes et asiatiques. Heureusement, Ford s’est souvenu de sa filiale du vieux continent. Présente en France depuis 1929, assemblant nombre de ses voitures en Allemagne, l’antenne connaît parfaitement son marché. Celui de consommateurs près de leurs sous, et à la recherche de petits modèles pas trop gloutons. Pile poil les nouveaux automobilistes américains. Banco : la Focus traverse l’Atlantique, s’affuble d’un coffre pour faire genre et d’un moteur essence au pays où le gazole est plus cher que le sans-plomb. Le succès et cette nomination au trophée sont au rendez-vous. Evidemment, cette révolution au pays de la grosse auto ne réussit pas à la seule Focus. D’ailleurs, la médaille d’or lui a été soufflée par une autre étrangère, une Coréenne. C’est la Hyundai Elantra qui a gagné. Une voiture de la taille d’une Renault Laguna et qui partage nombre de ses éléments avec l’I40 qui circule sur nos routes. Encore une auto qui gomme toute extravagance et toute consommation abyssale. D’ailleurs la médaille de bronze revient à une autre européenne archi connue : la Volkswagen Passat. Pas vraiment un pick up V8 non plus. Cette domination des constructeurs étrangers aux Etats-Unis, et notamment des européens est d’ailleurs paradoxale, puisqu’elle a fini par sauver les big three du gouffre. On l’a vu avec Ford, mais du côté de General Motors aussi, on s’est souvenu de la filiale allemande Opel. Les dirigeants de GM souhaitaient la vendre au plus fort de la crise, avant de se raviser de justesse en comprenant, comme Ford, l’intérêt de ces drôles d’autos du Vieux continent. Et ils envisagent de faire cause commune et mécanique similaire. Quant au troisième de la bande, Chrysler, il s’est tout simplement glissé dans le giron de Fiat pour survivre.
Un gros mois de suspens pour Ford
Reste donc pour la Ford Focus à s’offrir le trophée européen de la voiture de l’année pour pouvoir réellement se la jouer The artist. Cette auto aux lignes sobres, à la mécanique au goût du jour (notamment dans son épatante version diesel 163CV) et au prix dans la bonne moyenne (autour de 20 000 euros, selon le modèle) a peut-être un atout pour elle : la voiture qui l’a précédée. Pris d’un accès d’enthousiasme, les journalistes ont plébiscité l’an passé la Nissan Leaf. Une voiture électrique aux ventes tellement confidentielles que son premier acheteur (au mois d’août, soit 4 mois après son lancement) a eu droit aux honneurs de la presse spécialisée. Et, on le suppose, à un gros rabais de la part de son concessionnaire puisque la Leaf s’affiche à 30 000 euros. Ford peut donc nourrir quelque espoir que son engin séduise des essayeurs échaudés. Réponse début mars.

mardi 17 janvier 2012

Avec Lodgy, Renault joue à l'auto concurrence

Le nouveau monospace Dacia Lodgy © Renault Communication
Ce n’est pas seulement une nouvelle voiture du groupe Renault, mais un énorme pied de nez. Au « made in France », au principal actionnaire (l’Etat français) et même aux produits maison. Car le monospace Dacia Lodgy qui va débarquer dans les concessions au printemps, sera entièrement fabriqué au Maroc et devrait être vendu à un tarif inférieur de moitié à son principal concurrent. A savoir le Scenic, lui aussi de la maison Renault, fabriqué (en partie du moins) à Douai, dans le Nord de la France. Mais il va également cannibaliser les ventes, et à terme en finir avec un autre produit Renault, le Kangoo, fabriqué quant à lui à Maubeuge.

Un monospace à 13000 euros
La famille Dacia, on connaît déjà. La marque low cost – un terme prohibé chez Renault ou l’on parle de gamme « entry », ce qui est beaucoup plus chic – est devenue indispensable à la rentabilité du groupe. Les Logan, Duster et Sandero, fabriquées, entre autres, en Roumanie s’arrachent. Mais un salaire Renault en Roumanie, pour faible qu’il soit (350 euros par mois, en moyenne), reste une somme que le losange ne semble pas prêt à débourser pour la fabrication du Lodgy. Alors, cap sur le Maroc, et ses émoluments encore plus bas. Du côté de Tanger, une toute nouvelle usine sera inaugurée à la mi-février. 2600 ouvriers y assembleront le nouveau monospace Lodgy. L’engin, de 4,50 mètres promet 7 places, pour un tarif estimé autour de 13 000 euros. Il y a très peu de chance que cette auto fasse un bide, puisque, outre sa ligne ni plus ni moins banale que celles d’autres engins comparables, il coûte moitié moins cher qu’un Scenic, vendu entre 21 000 et 35 000 euros. Et Renault ne compte pas s’arrêter en si bon chemin puisque, dès l’été, une version utilitaire de la même auto verra le jour, encore moins chère que la voiture civile. De quoi tuer le Kangoo, l’actuelle petite camionnette du losange. Le groupe, sûr de son succès, prévoit déjà la montée en puissance de sa nouvelle usine puisque les effectifs prévus en 2015 sont de 6000 salariés chargés de fabriquer 170 000 unités par an. Reste un mystère : la présence, le jour de l’inauguration de cette unité de production, d’un représentant de l’Etat français, premier actionnaire de Renault à hauteur de 15,1%. Les cartons d’invitation ont dû parvenir à l’Elysée, où l’on prône le « fabriqué en France », mais on ne sait pas, en revanche, qui fera le voyage à Tanger.

Un monospace cannibale
Reste que ces événements obligent à s’interroger sur la stratégie suivie par le groupe dirigé par Carlos Gohsn. Car si son souhait est de réduire le personnel de Douai qui fabrique le Scenic, faute de clients pour cet engin, la feuille de route est la bonne. Quant à l’usine de Maubeuge, où est fabriquée le Kangoo, son sort est déjà scellé : elle assemblera les voitures électriques du groupe. Mais les scores de ventes totales de ces autos à turbine sont aujourd’hui tellement marginaux que les quelques 3000 salariés de Douai peuvent avoir quelques craintes légitimes sur leur avenir.

Un monospace qui menace l'avenir de Renault
Et puis, l’avènement du Lodgy pose le problème global de l’avenir de Renault, de ses ventes et de son image. S'agit-il de transformer la marque elle-même en énorme machine à low-cost délocalisée ? Possible, d'ailleurs les voitures Dacia ne portent ce nom qu’en Europe et en Afrique du Nord. Partout ailleurs, les Logan, Duster et bientôt Lodgy sont déjà des Renault. A moins qu’une autre décision soit d’ores et déjà entérinée à Boulogne. Celle de transformer Renault en un constructeur de voitures uniquement électriques. Un pari osé et risqué à moyen terme. Une manière, surtout, de transformer des milliers de salariés français en jetons de casino pour un énorme banco sur le tapis de jeu de l’industrie automobile mondiale.

mardi 10 janvier 2012

L'impossible percée du haut de gamme français

DS5 : le nouveau fleuron des chevrons © Citroën

C’est un grand classique. A chaque fois qu’une auto française grande et chère apparaît sur le marché, les journalistes spécialisés se lâchent. Du moins s’imaginent t-ils, avec l’aide des services marketing des constructeurs, que la recette allemande va fonctionner. Une recette à priori simple, qui consiste à fabriquer et à vendre de grosses berlines à grosses marges bénéficiaires partout sur la planète. C’est facile, c’est bon pour le pays, ses emplois et ses excédents commerciaux disparus. Pour le baptême de la nouvelle Citroën DS5 qui débarque ces jours-ci, nos confrères  ont une fois de plus pris le chemin de la dithyrambe. L’émanation web de l’émission Turbo de M6) l’a carrément rebaptisée « tueuse d’allemandes ». Quant à la Tribune, elle attribue de sacrés lauriers aux chevrons, en écrivant que « jamais depuis très, très longtemps, un modèle tricolore n'avait été aussi abouti. » Tremblez BMW, Mercedes, Audi, vos jours sont comptés.

Goldorak aux manettes du design
Le patriotisme journalistique n’est pas le pire des défauts, encore se doit-il de reposer sur quelques données solides. Et il suffit de faire le tour des 4,53m de la DS5 pour constater qu’elle ne joue pas vraiment dans la même catégorie que les BMW Série 3, Audi A4 et Mercedes Classe C, ses très directes concurrentes. Une différence qui ne se situe pas dans le domaine de la qualité des matériaux utilisés, ni dans les assemblages de ces derniers, très honorables. Pas plus que dans ses performances mécaniques, juste dans la moyenne. La différence est ailleurs. Dans des domaines aussi subjectifs que décisifs. La DS5 est une Citroën. Avec l’image que se coltine la marque. Celle d’un constructeur chargé d’histoire, d’innovation et d’exotisme. Et la DS5 s’inscrit parfaitement dans cette saga. Son style extérieur comme intérieur est aussi complexe que baroque, comme si Goldorak lui-même avait pris les commandes du bureau de style des chevrons. Or, ce baroque, totalement revendiqué d’ailleurs, est de nature à faire perdre à cette auto plusieurs points sur un marché on ne peut plus sage. Il suffit d’examiner les lignes du trio gagnant et germanique. C’est qu’à 40 000 euros le modèle, les clients sont ultra-conservateurs et semblent encore et toujours vouloir s’offrir du statut social. Et un design de notaire. Rien de plus adapté dans ce domaine qu’une berline allemande. 

De petites fantaisistes et de grandes assagies
On pourra nous répliquer que Citroën a parfaitement réussi son entrée dans le domaine du haut de gamme avec la DS3, sa petite luxueuse. Et que la marque entend bien surfer sur ce succès avec cette DS5. Sauf que le public très particulier des autos dites « premium », s’il s’autorise parfois des fantaisies, ne fait des écarts que pour sa seconde auto, ou pour celle de madame, c’est dire si ce marché est conservateur. BMW l’a parfaitement compris, avec sa gamme Mini. Comme Audi avec sa petite A1. Même Fiat, avec la minuscule 500, arrive à se frayer un marché dans cette catégorie ultra-disputée.

Un toucher de route décevant
Évidemment, on espère se tromper et on ne peut que le souhaiter. On peut se dire aussi que Citroën, fidèle a sa réputation peut compter sur le châssis de son nouveau modèle pour enfoncer la concurrence. La marque est en effet le spécialiste mondial de ce que les ingénieurs maison appellent poétiquement le « toucher de route ». Sauf que dans le cas de la DS5, le compte n’y est pas. Pour des raisons probablement liées à des économies d’échelle, la suspension oléopneumatique est abandonnée au profit de trains roulants lambda. Et l’ensemble est d’une fermeté toute germanique. Ce qui, du coup, place l’auto au niveau de ces concurrentes. En leur empruntant leurs rares défauts.

mercredi 4 janvier 2012

En 2011, La voiture électrique n'a toujours pas trouvé de prise

La Renault Kangoo ZE électrique © Renault 3D commerce

Tout le monde vante ses qualités routières (réelles), son silence (avéré) son respect de l’environnement (certain) et son économie à la pompe (imbattable). Mais personne n’achète de voiture électrique. Ou presque. L’an passé, en France, seules 2100 autos branchées ont trouvé preneurs. Soit 0,1% des immatriculations de véhicules dans l’hexagone durant la même période. Les optimistes rétorqueront que la France, beau pays de verdure, compterait tout de même plusieurs centaines de fans de la recharge et du silence. Pas vraiment. Car en décortiquant le type d’autos électriques vendues, et c’est rapide, on constate que plus de 20% d’entre elles sont des Blue Car du groupe Bolloré. Plus connues sous le sobriquet d’Autolib’, elles sillonnent les rues parisiennes et sont la propriété de l’entreprise Decaux. Mais toutes les autres ont bien été vendues à des particuliers ? Du tout. Le best-seller de la voiture électrique 2011 se nomme Peugeot Ion. Et non seulement elle n’a du lion que le nom, puisque c’est une Mistubishi I-Miev rebadgée, mais l’un de ses premiers clients, c’est PSA lui-même, qui en équipe plusieurs de ses sites, en une formule d’auto-partage permettant de se rendre d’un point à l’autre de l’usine. Les principales autres Ion immatriculés le sont par des administrations et quelques entreprises. Même sort pour tous les autres modèles disponibles, puisqu’on estime que 95% des véhicules rechargeables sont vendus à des collectivités et des boites privées. Reste, pour les particuliers, une centaine de voitures. C’est peu en un an. Surtout si l’on compare ce chiffre aux 2 millions de voitures « normales » vendues. Et encore, 2011 a été une année de crise pour la filière.

Difficulté de recharge et autonomie limitée

Évidemment, on peut se demander quels sont les réticences des particuliers pour un moyen de transport à priori parfait. D’autant que l’Observatoire Automobile du Cetelem les a interrogé à ce sujet. Et 54% se disent intéressés par ce type d’auto. Mieux, 43% sont même prêts à investir. Quand ? Quand les freins à main des obstacles techniques, logistiques, et financiers seront desserrés. Et visiblement, ce n’est pas pour tout de suite. Car le principal obstacle au basculement du thermique vers l’électrique tient dans l’autonomie limitée des engins. Les 150 kms en moyenne revendiqués par les différents modèles effrayent. La peur de la panne sèche rebute. Surtout que cette moyenne d’autonomie annoncée peut chuter vertigineusement en fonction de la manière de conduire, de la météo et de la circulation. Faux problème ? Peut-être, étant donné la distance de déplacement moyen quotidien des français, légèrement sous la barre des 100 kms. Mais elle s’est allongée de 20% en 10 ans, le prix de l’immobilier obligeant les ménages à s’éloigner de plus en plus des centres névralgiques où ils travaillent. Mais cette peur de la panne sèche est également liée au manque de prises électriques. C’est l’un des paradoxe de la voiture électrique. Pratique en ville en raison des courts trajets que l’on y pratique, elle n’est rechargeable qu’à la campagne. Là ou justement, les distances parcourues sont les plus longues. Il y est facile de brancher son auto devant chez soi ou dans son garage. C’est beaucoup plus compliqué de laisser pendouiller une rallonge depuis son appartement au troisième étage. Évidemment, les collectivités locales et les pouvoirs publics nationaux se penchent sur l’affaire. Depuis quelques jours, un décret oblige même les promoteurs immobiliers à installer des prises dans les parkings des immeubles qu’ils construisent. Même obstacle dans les parkings publics, ou jusqu’au début de cette année, certaines dispositions légales, aujourd’hui levées, leur permettaient de refuser, purement et simplement, l’accès aux véhicules à batteries dans leurs enceintes. Ce manque de prise électrique est d’autant plus problématique, que le temps de recharge complet pour une batterie de voiture est aujourd’hui de plusieurs heures, ce qui exclut le branchement rapide dans une station service équipée. Le syndrome de la charrue apparue bien avant les bœufs continue donc de sévir, et les voitures disponibles bien avant les solutions de chargement contribuent au désamour des conducteurs pour ces autos silencieuses.

Des tarifs prohibitifs

Mais un autre phénomène freine l’expansion de ces modèles. C’est leur prix, pour l’instant totalement prohibitif. Ils coûtent, en moyenne, 25 000 euros, soit près de 50% plus cher que leur cousine de taille moyenne équipée d’un bon vieux moteur à explosion. Et encore, cette somme tient compte de la prime de 5 000 euros accordée par l’Etat qui a donc déboursé plus de 10 millions d’euros l’an passé pour écouler les 2100 autos électriques vendues. Un montant auquel il convient d’ajouter les centaines de millions de subventions accordées aux constructeurs pour développer les modèles et les produire en France. En outre, l’acquisition d’une voiture électrique est, pour l’instant, réservée aux ménages qui ont déjà la chance de posséder une autre auto, thermique, évidemment. C’est que, même au cas, encore exceptionnel, ou les trajets quotidiens sont possibles, pas question de partir en vacances en électrique.

Une contradiction écologique

Autant de raisons qui limitent le succès des voitures électriques. Reste que les chercheurs cherchent, les batteries deviennent de plus en plus performantes, se rechargent de plus en plus vite et les prises de courant vont se multiplier dans les prochaines années. Mais lorsque voitures et infrastructures seront réellement au point, se posera un autre problème, au moins aussi épineux : la consommation électrique. 36 millions de voitures environ circulent en France. Selon l’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise des énergies), une petite électrique consomme 25 KWh pour 100 kms. En multipliant ce chiffre par le nombre de kilomètres effectués par an, et le nombre d’autos en circulation, certaines associations écologistes n’hésitent pas à estimer la surproduction d’électricité nécessaire à l’équivalent de 10 à 15 nouveaux réacteurs nucléaires, lorsque l’ensemble du parc automobile aura basculé vers le tout électrique. Une évolution, ou une impasse, intéressante à l’heure du débat sur une sortie éventuelle du nucléaire.