mardi 24 janvier 2012

Ford Focus, "the artist" version automobile ?

Ford Focus : l'européano-américaine © Ford Eu


Elle se la joue modeste cette Ford Focus. Une voiture de taille moyenne au prix moyen et dont les lignes ne font se dévisser le cou d’aucun passant. Pourtant, elle est devenue en quelques mois The artist de l’automobile. Comme le film et son comédien Jean Dujardin, cette Focus s’est retrouvée en lice pour les Oscars et le festival de Cannes de l’automobile : the car of the year américain et la voiture de l’année européenne.
Certes, la sentence est tombée aux US où la compacte a finalement décroché la médaille d’argent, mais elle est dans la dernière sélection du trophée européen, qui sera décerné dans un peu plus d’un mois. Cette double nomination pour une auto mondiale, mais conçue en Europe, est un signe du revirement du marché américain. Et peut-être, une nouvelle manière d’aborder l’automobile pour les journalistes spécialisés européens, puisque ce sont eux qui forment le jury de ce concours.
La fin du rêve américain ? 
Vu d’ici, on a quelque mal à imaginer qu’une « petite » auto puisse décrocher un prix quelconque au pays du V8 et des pick-up de pionniers. Dans une contrée où une auto de moins de 5 mètres est une citadine. Mais l’Amérique a changé. Car l’essence a augmenté. Le litre y est toujours inférieur à 1 euro, mais il a presque doublé en l’espace de cinq ans. Une évolution que les constructeurs locaux ont loupée et qui a failli avoir la peau des big three (Ford, General Motors et Chrysler), lors de la première lame de crise, en 2008. Même si ce n’était pas la seule cause de leur déconfiture, elle y a largement contribué et fait le bonheur des marques européennes et asiatiques. Heureusement, Ford s’est souvenu de sa filiale du vieux continent. Présente en France depuis 1929, assemblant nombre de ses voitures en Allemagne, l’antenne connaît parfaitement son marché. Celui de consommateurs près de leurs sous, et à la recherche de petits modèles pas trop gloutons. Pile poil les nouveaux automobilistes américains. Banco : la Focus traverse l’Atlantique, s’affuble d’un coffre pour faire genre et d’un moteur essence au pays où le gazole est plus cher que le sans-plomb. Le succès et cette nomination au trophée sont au rendez-vous. Evidemment, cette révolution au pays de la grosse auto ne réussit pas à la seule Focus. D’ailleurs, la médaille d’or lui a été soufflée par une autre étrangère, une Coréenne. C’est la Hyundai Elantra qui a gagné. Une voiture de la taille d’une Renault Laguna et qui partage nombre de ses éléments avec l’I40 qui circule sur nos routes. Encore une auto qui gomme toute extravagance et toute consommation abyssale. D’ailleurs la médaille de bronze revient à une autre européenne archi connue : la Volkswagen Passat. Pas vraiment un pick up V8 non plus. Cette domination des constructeurs étrangers aux Etats-Unis, et notamment des européens est d’ailleurs paradoxale, puisqu’elle a fini par sauver les big three du gouffre. On l’a vu avec Ford, mais du côté de General Motors aussi, on s’est souvenu de la filiale allemande Opel. Les dirigeants de GM souhaitaient la vendre au plus fort de la crise, avant de se raviser de justesse en comprenant, comme Ford, l’intérêt de ces drôles d’autos du Vieux continent. Et ils envisagent de faire cause commune et mécanique similaire. Quant au troisième de la bande, Chrysler, il s’est tout simplement glissé dans le giron de Fiat pour survivre.
Un gros mois de suspens pour Ford
Reste donc pour la Ford Focus à s’offrir le trophée européen de la voiture de l’année pour pouvoir réellement se la jouer The artist. Cette auto aux lignes sobres, à la mécanique au goût du jour (notamment dans son épatante version diesel 163CV) et au prix dans la bonne moyenne (autour de 20 000 euros, selon le modèle) a peut-être un atout pour elle : la voiture qui l’a précédée. Pris d’un accès d’enthousiasme, les journalistes ont plébiscité l’an passé la Nissan Leaf. Une voiture électrique aux ventes tellement confidentielles que son premier acheteur (au mois d’août, soit 4 mois après son lancement) a eu droit aux honneurs de la presse spécialisée. Et, on le suppose, à un gros rabais de la part de son concessionnaire puisque la Leaf s’affiche à 30 000 euros. Ford peut donc nourrir quelque espoir que son engin séduise des essayeurs échaudés. Réponse début mars.

mardi 17 janvier 2012

Avec Lodgy, Renault joue à l'auto concurrence

Le nouveau monospace Dacia Lodgy © Renault Communication
Ce n’est pas seulement une nouvelle voiture du groupe Renault, mais un énorme pied de nez. Au « made in France », au principal actionnaire (l’Etat français) et même aux produits maison. Car le monospace Dacia Lodgy qui va débarquer dans les concessions au printemps, sera entièrement fabriqué au Maroc et devrait être vendu à un tarif inférieur de moitié à son principal concurrent. A savoir le Scenic, lui aussi de la maison Renault, fabriqué (en partie du moins) à Douai, dans le Nord de la France. Mais il va également cannibaliser les ventes, et à terme en finir avec un autre produit Renault, le Kangoo, fabriqué quant à lui à Maubeuge.

Un monospace à 13000 euros
La famille Dacia, on connaît déjà. La marque low cost – un terme prohibé chez Renault ou l’on parle de gamme « entry », ce qui est beaucoup plus chic – est devenue indispensable à la rentabilité du groupe. Les Logan, Duster et Sandero, fabriquées, entre autres, en Roumanie s’arrachent. Mais un salaire Renault en Roumanie, pour faible qu’il soit (350 euros par mois, en moyenne), reste une somme que le losange ne semble pas prêt à débourser pour la fabrication du Lodgy. Alors, cap sur le Maroc, et ses émoluments encore plus bas. Du côté de Tanger, une toute nouvelle usine sera inaugurée à la mi-février. 2600 ouvriers y assembleront le nouveau monospace Lodgy. L’engin, de 4,50 mètres promet 7 places, pour un tarif estimé autour de 13 000 euros. Il y a très peu de chance que cette auto fasse un bide, puisque, outre sa ligne ni plus ni moins banale que celles d’autres engins comparables, il coûte moitié moins cher qu’un Scenic, vendu entre 21 000 et 35 000 euros. Et Renault ne compte pas s’arrêter en si bon chemin puisque, dès l’été, une version utilitaire de la même auto verra le jour, encore moins chère que la voiture civile. De quoi tuer le Kangoo, l’actuelle petite camionnette du losange. Le groupe, sûr de son succès, prévoit déjà la montée en puissance de sa nouvelle usine puisque les effectifs prévus en 2015 sont de 6000 salariés chargés de fabriquer 170 000 unités par an. Reste un mystère : la présence, le jour de l’inauguration de cette unité de production, d’un représentant de l’Etat français, premier actionnaire de Renault à hauteur de 15,1%. Les cartons d’invitation ont dû parvenir à l’Elysée, où l’on prône le « fabriqué en France », mais on ne sait pas, en revanche, qui fera le voyage à Tanger.

Un monospace cannibale
Reste que ces événements obligent à s’interroger sur la stratégie suivie par le groupe dirigé par Carlos Gohsn. Car si son souhait est de réduire le personnel de Douai qui fabrique le Scenic, faute de clients pour cet engin, la feuille de route est la bonne. Quant à l’usine de Maubeuge, où est fabriquée le Kangoo, son sort est déjà scellé : elle assemblera les voitures électriques du groupe. Mais les scores de ventes totales de ces autos à turbine sont aujourd’hui tellement marginaux que les quelques 3000 salariés de Douai peuvent avoir quelques craintes légitimes sur leur avenir.

Un monospace qui menace l'avenir de Renault
Et puis, l’avènement du Lodgy pose le problème global de l’avenir de Renault, de ses ventes et de son image. S'agit-il de transformer la marque elle-même en énorme machine à low-cost délocalisée ? Possible, d'ailleurs les voitures Dacia ne portent ce nom qu’en Europe et en Afrique du Nord. Partout ailleurs, les Logan, Duster et bientôt Lodgy sont déjà des Renault. A moins qu’une autre décision soit d’ores et déjà entérinée à Boulogne. Celle de transformer Renault en un constructeur de voitures uniquement électriques. Un pari osé et risqué à moyen terme. Une manière, surtout, de transformer des milliers de salariés français en jetons de casino pour un énorme banco sur le tapis de jeu de l’industrie automobile mondiale.

mardi 10 janvier 2012

L'impossible percée du haut de gamme français

DS5 : le nouveau fleuron des chevrons © Citroën

C’est un grand classique. A chaque fois qu’une auto française grande et chère apparaît sur le marché, les journalistes spécialisés se lâchent. Du moins s’imaginent t-ils, avec l’aide des services marketing des constructeurs, que la recette allemande va fonctionner. Une recette à priori simple, qui consiste à fabriquer et à vendre de grosses berlines à grosses marges bénéficiaires partout sur la planète. C’est facile, c’est bon pour le pays, ses emplois et ses excédents commerciaux disparus. Pour le baptême de la nouvelle Citroën DS5 qui débarque ces jours-ci, nos confrères  ont une fois de plus pris le chemin de la dithyrambe. L’émanation web de l’émission Turbo de M6) l’a carrément rebaptisée « tueuse d’allemandes ». Quant à la Tribune, elle attribue de sacrés lauriers aux chevrons, en écrivant que « jamais depuis très, très longtemps, un modèle tricolore n'avait été aussi abouti. » Tremblez BMW, Mercedes, Audi, vos jours sont comptés.

Goldorak aux manettes du design
Le patriotisme journalistique n’est pas le pire des défauts, encore se doit-il de reposer sur quelques données solides. Et il suffit de faire le tour des 4,53m de la DS5 pour constater qu’elle ne joue pas vraiment dans la même catégorie que les BMW Série 3, Audi A4 et Mercedes Classe C, ses très directes concurrentes. Une différence qui ne se situe pas dans le domaine de la qualité des matériaux utilisés, ni dans les assemblages de ces derniers, très honorables. Pas plus que dans ses performances mécaniques, juste dans la moyenne. La différence est ailleurs. Dans des domaines aussi subjectifs que décisifs. La DS5 est une Citroën. Avec l’image que se coltine la marque. Celle d’un constructeur chargé d’histoire, d’innovation et d’exotisme. Et la DS5 s’inscrit parfaitement dans cette saga. Son style extérieur comme intérieur est aussi complexe que baroque, comme si Goldorak lui-même avait pris les commandes du bureau de style des chevrons. Or, ce baroque, totalement revendiqué d’ailleurs, est de nature à faire perdre à cette auto plusieurs points sur un marché on ne peut plus sage. Il suffit d’examiner les lignes du trio gagnant et germanique. C’est qu’à 40 000 euros le modèle, les clients sont ultra-conservateurs et semblent encore et toujours vouloir s’offrir du statut social. Et un design de notaire. Rien de plus adapté dans ce domaine qu’une berline allemande. 

De petites fantaisistes et de grandes assagies
On pourra nous répliquer que Citroën a parfaitement réussi son entrée dans le domaine du haut de gamme avec la DS3, sa petite luxueuse. Et que la marque entend bien surfer sur ce succès avec cette DS5. Sauf que le public très particulier des autos dites « premium », s’il s’autorise parfois des fantaisies, ne fait des écarts que pour sa seconde auto, ou pour celle de madame, c’est dire si ce marché est conservateur. BMW l’a parfaitement compris, avec sa gamme Mini. Comme Audi avec sa petite A1. Même Fiat, avec la minuscule 500, arrive à se frayer un marché dans cette catégorie ultra-disputée.

Un toucher de route décevant
Évidemment, on espère se tromper et on ne peut que le souhaiter. On peut se dire aussi que Citroën, fidèle a sa réputation peut compter sur le châssis de son nouveau modèle pour enfoncer la concurrence. La marque est en effet le spécialiste mondial de ce que les ingénieurs maison appellent poétiquement le « toucher de route ». Sauf que dans le cas de la DS5, le compte n’y est pas. Pour des raisons probablement liées à des économies d’échelle, la suspension oléopneumatique est abandonnée au profit de trains roulants lambda. Et l’ensemble est d’une fermeté toute germanique. Ce qui, du coup, place l’auto au niveau de ces concurrentes. En leur empruntant leurs rares défauts.

mercredi 4 janvier 2012

En 2011, La voiture électrique n'a toujours pas trouvé de prise

La Renault Kangoo ZE électrique © Renault 3D commerce

Tout le monde vante ses qualités routières (réelles), son silence (avéré) son respect de l’environnement (certain) et son économie à la pompe (imbattable). Mais personne n’achète de voiture électrique. Ou presque. L’an passé, en France, seules 2100 autos branchées ont trouvé preneurs. Soit 0,1% des immatriculations de véhicules dans l’hexagone durant la même période. Les optimistes rétorqueront que la France, beau pays de verdure, compterait tout de même plusieurs centaines de fans de la recharge et du silence. Pas vraiment. Car en décortiquant le type d’autos électriques vendues, et c’est rapide, on constate que plus de 20% d’entre elles sont des Blue Car du groupe Bolloré. Plus connues sous le sobriquet d’Autolib’, elles sillonnent les rues parisiennes et sont la propriété de l’entreprise Decaux. Mais toutes les autres ont bien été vendues à des particuliers ? Du tout. Le best-seller de la voiture électrique 2011 se nomme Peugeot Ion. Et non seulement elle n’a du lion que le nom, puisque c’est une Mistubishi I-Miev rebadgée, mais l’un de ses premiers clients, c’est PSA lui-même, qui en équipe plusieurs de ses sites, en une formule d’auto-partage permettant de se rendre d’un point à l’autre de l’usine. Les principales autres Ion immatriculés le sont par des administrations et quelques entreprises. Même sort pour tous les autres modèles disponibles, puisqu’on estime que 95% des véhicules rechargeables sont vendus à des collectivités et des boites privées. Reste, pour les particuliers, une centaine de voitures. C’est peu en un an. Surtout si l’on compare ce chiffre aux 2 millions de voitures « normales » vendues. Et encore, 2011 a été une année de crise pour la filière.

Difficulté de recharge et autonomie limitée

Évidemment, on peut se demander quels sont les réticences des particuliers pour un moyen de transport à priori parfait. D’autant que l’Observatoire Automobile du Cetelem les a interrogé à ce sujet. Et 54% se disent intéressés par ce type d’auto. Mieux, 43% sont même prêts à investir. Quand ? Quand les freins à main des obstacles techniques, logistiques, et financiers seront desserrés. Et visiblement, ce n’est pas pour tout de suite. Car le principal obstacle au basculement du thermique vers l’électrique tient dans l’autonomie limitée des engins. Les 150 kms en moyenne revendiqués par les différents modèles effrayent. La peur de la panne sèche rebute. Surtout que cette moyenne d’autonomie annoncée peut chuter vertigineusement en fonction de la manière de conduire, de la météo et de la circulation. Faux problème ? Peut-être, étant donné la distance de déplacement moyen quotidien des français, légèrement sous la barre des 100 kms. Mais elle s’est allongée de 20% en 10 ans, le prix de l’immobilier obligeant les ménages à s’éloigner de plus en plus des centres névralgiques où ils travaillent. Mais cette peur de la panne sèche est également liée au manque de prises électriques. C’est l’un des paradoxe de la voiture électrique. Pratique en ville en raison des courts trajets que l’on y pratique, elle n’est rechargeable qu’à la campagne. Là ou justement, les distances parcourues sont les plus longues. Il y est facile de brancher son auto devant chez soi ou dans son garage. C’est beaucoup plus compliqué de laisser pendouiller une rallonge depuis son appartement au troisième étage. Évidemment, les collectivités locales et les pouvoirs publics nationaux se penchent sur l’affaire. Depuis quelques jours, un décret oblige même les promoteurs immobiliers à installer des prises dans les parkings des immeubles qu’ils construisent. Même obstacle dans les parkings publics, ou jusqu’au début de cette année, certaines dispositions légales, aujourd’hui levées, leur permettaient de refuser, purement et simplement, l’accès aux véhicules à batteries dans leurs enceintes. Ce manque de prise électrique est d’autant plus problématique, que le temps de recharge complet pour une batterie de voiture est aujourd’hui de plusieurs heures, ce qui exclut le branchement rapide dans une station service équipée. Le syndrome de la charrue apparue bien avant les bœufs continue donc de sévir, et les voitures disponibles bien avant les solutions de chargement contribuent au désamour des conducteurs pour ces autos silencieuses.

Des tarifs prohibitifs

Mais un autre phénomène freine l’expansion de ces modèles. C’est leur prix, pour l’instant totalement prohibitif. Ils coûtent, en moyenne, 25 000 euros, soit près de 50% plus cher que leur cousine de taille moyenne équipée d’un bon vieux moteur à explosion. Et encore, cette somme tient compte de la prime de 5 000 euros accordée par l’Etat qui a donc déboursé plus de 10 millions d’euros l’an passé pour écouler les 2100 autos électriques vendues. Un montant auquel il convient d’ajouter les centaines de millions de subventions accordées aux constructeurs pour développer les modèles et les produire en France. En outre, l’acquisition d’une voiture électrique est, pour l’instant, réservée aux ménages qui ont déjà la chance de posséder une autre auto, thermique, évidemment. C’est que, même au cas, encore exceptionnel, ou les trajets quotidiens sont possibles, pas question de partir en vacances en électrique.

Une contradiction écologique

Autant de raisons qui limitent le succès des voitures électriques. Reste que les chercheurs cherchent, les batteries deviennent de plus en plus performantes, se rechargent de plus en plus vite et les prises de courant vont se multiplier dans les prochaines années. Mais lorsque voitures et infrastructures seront réellement au point, se posera un autre problème, au moins aussi épineux : la consommation électrique. 36 millions de voitures environ circulent en France. Selon l’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise des énergies), une petite électrique consomme 25 KWh pour 100 kms. En multipliant ce chiffre par le nombre de kilomètres effectués par an, et le nombre d’autos en circulation, certaines associations écologistes n’hésitent pas à estimer la surproduction d’électricité nécessaire à l’équivalent de 10 à 15 nouveaux réacteurs nucléaires, lorsque l’ensemble du parc automobile aura basculé vers le tout électrique. Une évolution, ou une impasse, intéressante à l’heure du débat sur une sortie éventuelle du nucléaire.