Saab 900 Turbo 1978-1993 |
En Suède, c'est "une demande de placement sous protection de la loi sur les faillites". Une demande rejetée d'ailleurs. En France, c'est un dépôt de bilan. Et c'est précisément ce qui vient d'arriver à Saab. Ce dernier acte sans surprise était attendu depuis une semaine. Depuis que la marque avait annoncé des pertes décuplées en l'espace d'un an, passant de 21,9 millions de déficit au premier semestre 2010, à 201,5
million d'euros au bout de la même période de cette année. Comment a t-on pu en
arriver-là ? Comment une marque, dont l’image impeccable aurait pu lui
assurer une place dans les mythologies modernes et CSP+, peut-elle sombrer dans
un coma aussi profond qu’irréversible ?
Un seul modèle
La réponse est, en partie, américaine et le début de la fin
remonte à 21 ans déjà. C’est en 1990 que General Motors, alors premier
constructeur mondial, s’offre 50% du capital du petit constructeur suédois. Une
aubaine : l’image de sportivité, de fiabilité et de luxe janséniste font
un tabac auprès des fidèles. Saab, à cette époque, c’est avant tout un
modèle : la 900 turbo. Une drôle d’auto, avec une mécanique inusable mais
gourmande et un design simplissime. Mais un seul modèle, c’est peu. Il y a bien
une 9000, une voiture plus grande, plus insipide, que personne ne voit et que
personne n’achète. Le constructeur va mal et le géant américain va se pencher à
son chevet. Avec une stratégie toute financière.
Des voitures puzzle
Peu à peu, les modèles vont évoluer. Un mal nécessaire, mais
au lieu de créer de nouvelles autos, les ingénieurs de Tröllhatan, le fief
historique de Saab, vont faire leurs courses dans les énormes banques de
données du groupe. Car le budget de recherche-développement minimaliste fait
loi. Des moteurs ? Des châssis ? Ils vont en trouver chez Opel, en
Allemagne, chez Fiat en Italie, ou même chez Cadillac à côté de Detroit. Du
coup, les nouvelles 9-3 et 9-5, modèles toujours en vente, sont d’étranges
puzzles, constitués de moteurs italiens et de trains roulants allemands. Mais
une Saab, c’est plus cher qu’une Fiat ou une Opel. Et les addicts du premier
jour ne s’y retrouvent plus. Alors que les nouveaux clients attendus ne se
pressent pas non plus. Car les conducteurs d’une Vectra (Opel) ou d’une Chroma
(Fiat) n’ont aucune raison de pousser la porte d’un concessionnaire Saab qui a
gardé quelques réflexes de condescendance de sa gloire passée. Et puis,
pourquoi ce nouveau client s’offrirait-il une auto simplement rebadgée d’un
sigle prestigieux, pour 10 000 euros de plus que sa Fiat-Opel ordinaire ?
Le gouvernement suédois n'en veut pas
Les clients s’envolent et les ventes dégringolent. Au point
que, quand la bourrasque de 2008 survient, lorsque GM est au bord de la
faillite, le petit constructeur du froid est vendu au premier venu. C’est une
marque encore plus petite qui le rachète. Tellement petite que Spyker, c’est le
nom de l’entreprise hollandaise et acheteuse, n’a vendu l’an passé que 36
voitures. Qu’espérait Victor Muller, le Pdg de Spyker, en investissant (un peu)
dans le suédois moribond ? récolter de l’argent public en mettant en avant
le sort des 6000 salariés de Saab. Raté : le gouvernement suédois
refuse. Le ministre de l’industrie
de l’époque lui réplique que « les électeurs veulent des crèches, des
hôpitaux et des policiers. Pas des constructeurs automobiles qui font des
pertes. »
10 milliards de dollars dilapidés
Aujourd’hui, le fiasco est presque total. La production de
voitures est arrêtée depuis le mois d’avril, et les salaires sont versés grâce
à la vente des produits immobiliers. Jusqu’à ce que la dernière parcelle de
l’usine de Tröllhattan soit dispersée. Le nombre d’autos écoulées est passé de
plus de 120 000 dans les années 90 à 31 000 l’an passé et les recettes ont
fondu de manière plus exponentielle encore. Pourtant, GM a réalisé des
investissements lorsqu’il était aux affaires : près de 10 milliards de dollars
se sont évanouis dans les brumes sudéoises. Selon des économistes locaux, cela
correspondrait à une perte sèche de 5000 dollars par Saab vendue depuis vingt
ans. Plutôt cher, le design janséniste.
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