mardi 6 décembre 2011

l'Autolib' c'est bien, surtout là ou l'on n'en a pas besoin

La voiture self-service du groupe Bolloré ©DR
 
La belle idée que voilà. Une voiture silencieuse, facile à conduire, qui ne pollue pas, que l’on emprunte juste le temps qu'il faut et aussi facilement qu’un chariot de supermarché, ce qui coûte moins cher qu’une voiture personnelle. On l’attendait et l'Autolib’ est arrivée. Sauf que le déploiement prévu (3000 autos électriques dans 750 stations) n’est pas vraiment là où on l’attendait, justement. Une fois encore (une fois de plus ?) l’inextricable pelote des transports en région parisienne est démêlée à l’envers. Et pour plusieurs raisons.

Autolib’ se concentre trop sur la capitale
On le sait, Paris intra-muros est l’une des capitales mondiales les mieux desservies en matière de transports en commun. Pas en qualité certes, mais en quantité sûrement. La règle imposée par Fulgence Bienvenüe et ses successeurs planificateurs de lignes est toujours d’actualité : il est quasi impossible d'arpenter plus de 800 mètres de la capitale sans rencontrer une bouche de métro. De plus, un déplacement souterrain à travers la ville ne nécessite pas plus de deux correspondances. Un système que les métros new-yorkais, moscovites ou londoniens nous ont toujours enviés. Le problème est ailleurs, en banlieue, précisément. Et surtout dans les déplacements entre ces villes qui entourent Paris. Et qui, depuis longtemps, ne passent plus par la capitale. On vit dans une banlieue, on travaille dans une autre, et l’on se divertit dans une troisième. Or, comment se répartissent les stations Autolib' ? Ou plutôt comment vont-elles se répartir lorsque elles seront toutes construites ? Paris en comportera 528. Et toute la banlieue, du moins les 46 communes qui ont accepté de recevoir les autos du groupe Bolloré, se contenteront des 222 restantes. C’est peu là où il en faudrait beaucoup. Et c’est beaucoup là ou il en faudrait moins. L’archi-saturation de l’A86, de l’A104 et des principaux axes autour de Paris n’est donc pas prête d’être résorbée. Quant à Paris intra-muros, les bouchons ne risquent pas d’y être réduits là non plus. Surtout si les habitants de la capitale délaissent les transports en commun pour les Autolib’. Certes, celles-ci ne pollueront pas, mais les voitures qui les entourent produiront plus de C02 et de particules de gazole, puisqu’un afflux de nouveaux véhicules provoqueront forcément des encombrements supplémentaires.

Autolib' ne prête qu’aux riches
Et puis, en examinant la carte d’Ile de France qui indique les actuelles et futures stations Autolib, on se rend compte d’un choix social évident. L’Ouest et le Sud-ouest de Paris sont privilégiés, ainsi que l’enclave chic du Sud-Est (Saint Mandé, Saint Maurice). Pour les villes plus populaires du 93 ou 95, on repassera. Si l’on n’a pas la chance de résider à Drancy, ou Romainville, quelques unes parmi les rares exceptions à cette règle du CSP+. Tous ceux de Bondy, Bobigny, Sevran ou Aulnay sous Bois continueront allègrement de polluer et d'embouteiller leur riante banlieue et ses autoroutes A1 et A3.

Autolib' n’aime pas les zones industrielles
On nous rétorquera, avec raison, que le système Autolib’ n’est pas prévu pour les déplacements quotidiens domicile-bureau. Un cas de figure ou la location s’avère beaucoup trop chère. Certes. Mais n’est-il pas destiné, au delà des loisirs, à être utilisé de manière professionnelle occasionnelle, histoire d’honorer ses rendez-vous dans les lointaines banlieues ? Or, l’activité se concentre dans de grandes zones industrielles comme celles de Marne La Vallée, ou aucune station n’est prévue, ou, à l’opposé, à Saint Quentin en Yvelines, ou l’on n’aperçoit pas non plus le bout d’un capot d’Autolib’.

Autolib’ est aux prises avec les bisbilles politiques
Evidemment, ces discriminations ne sont pas toutes volontaires. Même si la logique du groupe Bolloré qui compte rentabiliser ses lourds investissements paraît claire. Mais elles résultent, comme souvent, de mésententes politiques qui ne sont pas forcément liées à un clivage gauche – droite. Si Bertrand Delanoë a porté le projet à bout de bras avec l’industriel, comme il le fit en son temps pour le Vélib avec le groupe Decaux, il n’a pas toujours été suivi par les élus socialistes de la région, ni même par sa propre majorité à la Mairie de Paris. Les conseillers municipaux verts de la capitale s’y sont opposés et Dominique Voynet, maire de Montreuil, a bouté les autos électriques hors de sa ville. Autant de bisbilles qui font aujourd’hui du tort à la juste répartition des stations. Et qui est en train de transformer une bonne idée en fausse bonne idée.

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