mardi 17 janvier 2012

Avec Lodgy, Renault joue à l'auto concurrence

Le nouveau monospace Dacia Lodgy © Renault Communication
Ce n’est pas seulement une nouvelle voiture du groupe Renault, mais un énorme pied de nez. Au « made in France », au principal actionnaire (l’Etat français) et même aux produits maison. Car le monospace Dacia Lodgy qui va débarquer dans les concessions au printemps, sera entièrement fabriqué au Maroc et devrait être vendu à un tarif inférieur de moitié à son principal concurrent. A savoir le Scenic, lui aussi de la maison Renault, fabriqué (en partie du moins) à Douai, dans le Nord de la France. Mais il va également cannibaliser les ventes, et à terme en finir avec un autre produit Renault, le Kangoo, fabriqué quant à lui à Maubeuge.

Un monospace à 13000 euros
La famille Dacia, on connaît déjà. La marque low cost – un terme prohibé chez Renault ou l’on parle de gamme « entry », ce qui est beaucoup plus chic – est devenue indispensable à la rentabilité du groupe. Les Logan, Duster et Sandero, fabriquées, entre autres, en Roumanie s’arrachent. Mais un salaire Renault en Roumanie, pour faible qu’il soit (350 euros par mois, en moyenne), reste une somme que le losange ne semble pas prêt à débourser pour la fabrication du Lodgy. Alors, cap sur le Maroc, et ses émoluments encore plus bas. Du côté de Tanger, une toute nouvelle usine sera inaugurée à la mi-février. 2600 ouvriers y assembleront le nouveau monospace Lodgy. L’engin, de 4,50 mètres promet 7 places, pour un tarif estimé autour de 13 000 euros. Il y a très peu de chance que cette auto fasse un bide, puisque, outre sa ligne ni plus ni moins banale que celles d’autres engins comparables, il coûte moitié moins cher qu’un Scenic, vendu entre 21 000 et 35 000 euros. Et Renault ne compte pas s’arrêter en si bon chemin puisque, dès l’été, une version utilitaire de la même auto verra le jour, encore moins chère que la voiture civile. De quoi tuer le Kangoo, l’actuelle petite camionnette du losange. Le groupe, sûr de son succès, prévoit déjà la montée en puissance de sa nouvelle usine puisque les effectifs prévus en 2015 sont de 6000 salariés chargés de fabriquer 170 000 unités par an. Reste un mystère : la présence, le jour de l’inauguration de cette unité de production, d’un représentant de l’Etat français, premier actionnaire de Renault à hauteur de 15,1%. Les cartons d’invitation ont dû parvenir à l’Elysée, où l’on prône le « fabriqué en France », mais on ne sait pas, en revanche, qui fera le voyage à Tanger.

Un monospace cannibale
Reste que ces événements obligent à s’interroger sur la stratégie suivie par le groupe dirigé par Carlos Gohsn. Car si son souhait est de réduire le personnel de Douai qui fabrique le Scenic, faute de clients pour cet engin, la feuille de route est la bonne. Quant à l’usine de Maubeuge, où est fabriquée le Kangoo, son sort est déjà scellé : elle assemblera les voitures électriques du groupe. Mais les scores de ventes totales de ces autos à turbine sont aujourd’hui tellement marginaux que les quelques 3000 salariés de Douai peuvent avoir quelques craintes légitimes sur leur avenir.

Un monospace qui menace l'avenir de Renault
Et puis, l’avènement du Lodgy pose le problème global de l’avenir de Renault, de ses ventes et de son image. S'agit-il de transformer la marque elle-même en énorme machine à low-cost délocalisée ? Possible, d'ailleurs les voitures Dacia ne portent ce nom qu’en Europe et en Afrique du Nord. Partout ailleurs, les Logan, Duster et bientôt Lodgy sont déjà des Renault. A moins qu’une autre décision soit d’ores et déjà entérinée à Boulogne. Celle de transformer Renault en un constructeur de voitures uniquement électriques. Un pari osé et risqué à moyen terme. Une manière, surtout, de transformer des milliers de salariés français en jetons de casino pour un énorme banco sur le tapis de jeu de l’industrie automobile mondiale.

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